LETTRE PASTORALE
À L’OCCASIAN DE LA FÊTE DE LA RESSURECTION DE NOTRE SEIGNEUR 2025
† IOAN CASIAN
par la grâce de Dieu
Évêque du Diocèse Orthodoxe Roumain de Canada
Au Clergé bien-aimé et aux fidèles orthodoxes,
paix et joie du Christ Seigneur,
et de nous la sainte bénédiction.
« Et la lumière luit dans les ténèbres et les ténèbres ne l’ont pas saisie. »
(Jean 1, 5)
Révérends Pères et Chers fidèles,
Le Christ est ressuscité!
Au début de la Vigile pascale, nous entendons l'invitation : « Venez recevoir la lumière ! »[1] trois fois. C'est l'appel adressé par le clergé de l'Église aux fidèles, qui attendent d'allumer leurs bougies à partir de la torche unique de la lumière qui est le Christ. Ainsi, au milieu de la nuit, une vague de lumière se répand progressivement parmi ceux qui se sont réunis à l'Église pour célébrer la résurrection du Seigneur.
Cet appel est accompagné du chant du tropaire : « Ta Résurrection, ô Christ Sauveur, les anges la chantent dans les cieux, et nous qui sommes sur la terre, donne-nous un cœur pur pour être dignes de te glorifier. »[2] À partir de ces textes liturgiques, nous comprenons que l'Église, suivant la tradition inspirée à la fois par l'Ancien et le Nouveau Testament, nous montre que les anges dans les cieux représentent notre modèle d’adorateurs de Dieu. Ils apportent continuellement gloire et louange à Dieu, et nous sommes appelés à suivre leur exemple de la même manière sur terre.
Ainsi, la joie centrale de la nuit pascale est la résurrection du Christ, le cri de joie de Sa victoire sur la mort. C'est la proclamation de la victoire de la lumière sur les ténèbres, de la pureté et de la grâce sur les passions et la méchanceté.
L'événement célébré comprend le mystère caché depuis l'éternité et inconnu des anges, révélé d'abord par l'incarnation du Christ. Le Christ ressuscité d'entre les morts est la pierre angulaire et la colonne de lumière[3] qui illumine les temps et les générations, jusqu'à la fin des âges. Sa résurrection pénètre toute la création et nos vies, nous ouvrant l'esprit à la perspective de la rédemption, du renouveau et du salut.
Par l'appel « Venez recevoir la lumière ! », nous sommes invités à nous approcher de la lumière véritable, qui est le Christ Seigneur, suivant ainsi le modèle céleste des anges. Cela signifie accomplir l'œuvre confiée par Dieu, en allumant non seulement la lumière physique, matérielle, extérieure, mais aussi la lumière intérieure de nos cœurs, pensées et âmes, afin de devenir la lumière de la vérité dans le monde. La lumière que nous sommes appelés à allumer est la lumière de la résurrection du Christ.
La communauté, encouragée par cet appel, continue en chantant quelques versets qui expliquent le miracle auquel nous participons : « Que Dieu se lève, et que ses ennemis soient dispersés, et que ceux qui le haïssent fuient devant Lui ! »[4] La nuit de Pâques, nous vivons l'événement de la résurrection du Christ. La puissance de Sa résurrection disperse les ténèbres du péché et de la mort: « Comme la fumée se dissipe, ainsi ils se dissiperont ; comme la cire fond devant le feu, ainsi périssent les pécheurs à la face de Dieu, tandis que les justes se réjouissent ! »[5]
La puissance de la résurrection du Christ agit contre le péché et ceux qui le commettent. Elle n'est pas contre la bonne création de Dieu et ceux qui le suivent, mais contre ceux qui le haïssent et font des choses indignes. Le chant continue : « C'est ce jour que le Seigneur a fait ; réjouissons-nous et soyons dans l'allégresse ! »[6] Le mystère de la résurrection du Christ s'est produit il y a deux milles ans, une fois pour toutes. Et cette nuit bénie est devenue le jour qui a ouvert dans l'Église et à travers l'Église la série de nuits bénies vécues depuis lors jusqu'à aujourd'hui, à chaque célébration de Pâques. C'est une expérience d'un présent continu de la résurrection du Christ dans nos vies et dans celles de toutes les générations, jusqu'à la fin des âges.
Comment vivons-nous dans l'Église le mystère de la nuit pascale ?
Chaque dimanche, nous vivons la communion avec le Christ et Sa résurrection dans le présent de nos vies. Chaque dimanche est un jour de Pâques. À l’office des Matines, nous lisons les Évangiles de la résurrection du Seigneur Christ. L’office du dimanche est le moment où, aux côtés des disciples et des femmes myrophores, nous constatons que le tombeau est vide et que le Christ est ressuscité, comme le témoignent les anges.
Cette constatation de l'absence du corps matériel du Christ dans le tombeau devient le fondement et le début de la compréhension que le Christ est vraiment ressuscité. Dans l’office des Matines, la communauté chante les Bénédictions de la Résurrection.[7] La participation à cette constatation ouvre la possibilité d’entrer dans le mystère des mystères – le Royaume des cieux – vécu de manière anticipative mais réelle dans la Divine Liturgie. Cela nous fait participer à Dieu, par Sa grâce, à travers la communion à Son Corps et à Son Sang, qui nous apporte guérison, force, salut et vie éternelle.
La résurrection du Christ, célébrée la nuit de Pâques, représente le mystère de la lumière qui nous est offert pour le renouvellement, la transfiguration et la vie éternelle. Le Christ est Celui qui a illuminé, transfiguré et renouvelé notre nature humaine. Et le dimanche est le jour sans fin qui nous conduit vers la vie éternelle.
Sous quelle forme la lumière du Christ devient-elle notre lumière ?
St. Siméon le Nouveau Théologien, grand mystique et contemplateur de la lumière divine, nous dit dans ses hymnes : « Étant le Soleil caché à toute la nature mortelle, / Tu t’élève en ceux qui sont les tiens, et Tu es vu par eux / et en Toi se lèvent ceux qui étaient auparavant obscurcis, gaspilleurs, pécheurs, collecteurs d'impôts. / Car, se repentant, ils deviennent les fils de Ta lumière divine (Jean, XII, 36). / La lumière engendre immédiatement la lumière, / donc eux aussi sont lumière, / enfants de Dieu, comme il est écrit (Jean, I, 12), des dieux par grâce. »[8]
Le Christ en tant que Dieu demeure un mystère. Il brille mystérieusement selon Sa nature divine, inaccessible à la nature humaine, étant l'abîme lumineux des ténèbres divines, la source de tout et la providence qui prend soin de tout. Par amour pour notre humanité, Il se révèle en chacun de nous qui réjouissons afin de nous faire grandir en Lui comme une branche féconde portant de bons fruits. C'est un mouvement réciproque entre Dieu et l'homme. Bien qu'invisible et incompréhensible, Dieu surgi en chacun de nous, tandis que l'homme grandit en Dieu.
St. Siméon le Nouveau Théologien souligne que cette croissance a une condition nécessaire - la repentance. Par la repentance, nous avons accès à la grâce de Dieu. Si nous faisons de bonnes œuvres qui jaillissent de la foi et participons aux énergies incréées par Dieu, Sa lumière devient notre lumière. Ainsi, nous devenons nous-mêmes lumière.
Qu'est-ce qui empêche l'homme de grandir et de devenir fils de Dieu ?
St. Augustin nous dit que « les cœurs insensés ne peuvent recevoir cette lumière parce qu'ils sont chargés de péchés qu'ils ne peuvent voir. »[9] Il attire notre attention sur le fait qu'à cause des péchés, il est possible que nous ne voyions pas la lumière et que nous croyions qu'elle n'existe pas. Cependant, cette cécité est le fruit de la présence du péché qui assombrit la vue de l'homme et sa vie.
Pour devenir conscient de cette lumière, l'homme a besoin d'être purifié de ses péchés. Le péché assombrit la vue et rend l'œil aveugle. La lumière qui est le fondement de tout ne peut pas manquer, car sans Dieu, qui est lumière, tout disparaît. L'existence et la présence de Dieu ne disparaissent pas, mais le péché empêche l'homme de les voir. La repentance, par l'humilité et la purification des péchés, libère notre vue et nous aide à percevoir la présence de Dieu.
La présence de Dieu en tant que lumière reste une permanence ontologique. L'aveuglement dû au péché, semblable à celui d'Adam et Ève dans le jardin, fait que l'homme perd la connaissance et la vue de la présence divine. Le péché apporte souffrance, agitation et peur. Mais St. Isaac le Syrien nous rappelle ne pas perdre espoir : « Ne soyons pas troublés quand nous sommes plongés dans l'obscurité (...). Car cette obscurité est permise par Dieu pour des raisons connues seulement de Dieu. »[10] Il est essentiel de comprendre que, même dans les moments les plus difficiles, Dieu est présent et nous accompagne dans nos épreuves. C'est l'attitude que le Christ a eue, restant ferme dans les épreuves sombres de Sa vie terrestre. Le même témoignage inébranlable de la foi nous est demandé a1 nous aussi.
L'appel de la nuit de Pâques – « Venez recevoir la lumière ! » – et le chant « Le Christ est ressuscité des morts, par la mort il a vaincu la mort, à ceux qui sont dans les tombeaux Il a donné la vie! » nous rappellent que tout l'espoir de l'homme est la lumière de la résurrection du Christ.
St. Grégoire de Nazianze dit : « La lumière brille dans les ténèbres dans cette vie et dans le corps humain, et elle est chassée par les ténèbres, mais elle n'est pas vaincue par elles. »[11] Le péché semble assombrir la lumière, mais il ne réussira pas à la vaincre. En nous approchant de Dieu et de la lumière de Sa grâce, nous devenons nous-mêmes lumière – des torches ardentes au milieu des ténèbres du monde du péché et de la méchanceté.
De quelle manière la résurrection du Christ change-t-elle nos vies ?
La résurrection du Christ a un impact profond sur nos vies terrestres. Le St. Prêtre et Confesseur Dumitru Stăniloae affirme que la résurrection du Christ « ouvre un contenu d'existence provenant d'un autre plan, avec la plus grande efficacité sur l'histoire. ... Christ est ressuscité car il a vaincu par Sa vie la faiblesse de la nature humaine avec ses effets ... pour lui ouvrir l'accès à un mode d'existence qui surpasse une simple répétition immanente qui ne mène nulle part et qui ne l'extrait pas de la domination de la mort. »[12]
La résurrection du Seigneur n'est pas seulement un événement personnel, mais elle change fondamentalement le cours de la vie humaine et de l'univers. Cet événement apporte une nouveauté fondamentale - une vie qui peut être déifiée. L'humanité du Christ, à travers l'Église, devient notre humanité. Grâce à Sa résurrection, notre humanité est libérée du cycle de la mort et retrouve la perspective de la vie éternelle.
Le corps ressuscité du Christ n'est pas seulement une preuve extérieure de l'action de Dieu, mais une source de vie divine, de puissance et de pureté, nous maintenant dans notre croissance spirituelle. À travers lui, nous recevons la force vivifiante et la lumière qui nous transfigure par la grâce divine.
Pour St. Dumitru Stăniloae, la personne humaine est « un diffuseur de lumière et un chercheur et receveur de lumière. Elle diffuse la lumière et aspire à encore plus de lumière. La lumière qu'elle reçoit consciemment d'autres personnes et choses est consciemment diffusée à d'autres personnes.»
L'appel à prendre la lumière exprime l'identité profonde de l'homme, qui, étant créé à l'image de Dieu, est assoiffé de lumière divine. Plus nous recevons de lumière, plus nous sommes appelés à la donner aux autres.
Comment cette lumière se manifeste-t-elle dans la personne humaine et dans les actes de la vie concrète ?
St. Dumitru Stăniloae nous répond à cette question : « Elle (la personne humaine – n.t.) est communicante de lumière par la parole, par l'action, par le sourire, par le visage, même par la présence ; et chercheuse de lumière, surtout par l'ouïe et par la vue et la réflexion des yeux. Les significations dans les yeux font que le visage entier soit éloquent. L'homme entier apparaît comme une existence dialogique et, en ce sens, réflexive. Et ces deux qualités le montrent comme étant lumière et mystère sans fin. »[13]
L'homme possède en lui cette dimension dialogique et mystérieuse qui le rend semblable à Dieu. L'homme traduit dans sa vie personnelle et communautaire la dimension dialogique intra-trinitaire. Il est l'image de Dieu qui se dirige vers la ressemblance avec Lui. Cette dimension se manifeste dans la vie quotidienne par la parole et l'action, par les vertus incarnées dans la vie personnelle et exprimées dans les relations sociales et les gestes concrètes de la vie quotidienne. Ainsi, la vie de l'homme devient un reflet de l'être divin, de la bonté de Dieu.
Bien-aimés frères et sœurs dans le Seigneur,
Nous sommes dans l'Année hommage du Centenaire de la Patriarcat Roumain et dans l'Année commémorative des pères spirituels et confesseurs orthodoxes roumains du 20ème siècle. Nous célébrons la reconnaissance de l'Église Orthodoxe Roumaine en tant que Patriarcat, un chemin marqué par la générosité et les sacrifices des hiérarques, des prêtres, des moines et des moniales, des princes et de nos fidèles.
La proclamation des seize nouveaux pères spirituels et confesseurs de la foi du 20ème siècle réaffirme la présence de Dieu dans chaque génération, même en temps de persécution. Ils ont été des lumières dans les ténèbres de ces périodes, offrant espoir et foi aux générations futures. Ils ont été des colonnes de lumière, semblables au Seigneur Christ, au milieu des ténèbres de notre époque.
Prions le Bon Dieu de nous donner force et croissance dans la foi, par leurs prières.
En ces jours de la Résurrection, approchons-nous du Christ, participant à Son don, nous réjouissant de la vie et du salut qu'Il a apportés dans l'Église. Que la joie de la résurrection du Christ transfigure la vie de chacun d'entre nous!
« Que la grâce de notre Seigneur Jésus-Christ soit avec vous! » (Philémon 1, 25).
LE CHRIST EST RESSUSCITÉ!
À vous, avec toute toute bonne volonté et
en priant le Christ Seigneur,
le Ressuscité d'entre les morts,
† IOAN CASIAN
Saint-Hubert / Montréal 2025
______________________
[1] Office de la Résurrection. Maison d’Edition EIBMO, Bucarest 2010
[2] ibidem
[3] Exode 14, 18-20
[4] Office de la Résurrection
[5] ibidem
[6] ibidem
[7] Hymnes proclamant la résurrection du Christ
[8] Hymne 8 (Z. 4) dans le Rév. Père Dumitru Staniloae. Études de théologie dogmatique orthodoxe. Maison d’Édition Mitropolia Olteniai, Craiova 1991, p. 352-353
[9] Homelies sur l'Évangile de Jean 1.19 dans Ancient Commentaire Chrétiennes sur la Bible (Nouveau Testament IVa. Jean 1-10). Maison d’Edition InterVarsity Press, Downers Grove, Illinois, États-Unis 2006, p. 26 (col. 1)
[10] Homélie ascétique 48 dans Anciens Commentaires ... p. 26 (col. 2)
[11] Sur les Saintes Lumières, Oraison 39.2 dans Ancient Commentaires ... p. 27 (col. 1)
[12] Rév. Père Dumitru Staniloae. Théologie dogmatique orthodoxe (vol. 2/ III). Maison d’Edition EIBMBOR, Bucarest 2003, p. 170-171
[13] Dumitru Staniloae. Jésus-Christ – la lumière du monde et le déificateur de l’homme (Œuvres complètes 6). Maison d'édition Basilica, Bucarest 2014, p. 167